Points de langue - 2 septembre 2022 - 5 min

Bien venu, bienvenu, malvenu, bienvenue… une revue bienvenue

Bienvenue dans ce nouveau Point de langue où l’on examinera divers mots et locutions formés à partir de l’adverbe bien (ou mal) et du verbe venir, en particulier de son participe passé venu. Ils comportent des nuances de sens et des difficultés d’écriture dont la maitrise n’est pas nécessairement à la portée du premier venu.

bien et venu en combinaison libre

Commençons avec un exemple où les deux mots bien et venu conservent chacun leur pleine autonomie lexicale. C’est seulement pour des raisons de syntaxe que les deux mots se trouvent juxtaposés :

Je confirme qu’il est bien venu ce matin livrer le colis.

L’adverbe bien signifie ici « en effet, effectivement » et modifie est venu, forme du verbe venir à la troisième personne du singulier du passé composé. L’adverbe est inséré entre l’auxiliaire est et le participe passé venu. Si le verbe était plutôt conjugué à un temps sans auxiliaire comme le futur simple, bien serait placé à sa suite :

Je confirme qu’il viendra bien demain livrer le colis.

bien venu, mal venu, locutions adjectivales

Les locutions adjectivales bien venu et mal venu sont parfois utilisées pour qualifier un être vivant dont la conformation ou la croissance est jugée normale ou non.

Dans bien venu, l’adverbe bien revêt alors son sens courant « de la bonne façon », et la locution signifie « bien développé, sain, robuste, vigoureux »  :

un enfant bien venu
du blé bien venu
des arbres bien venus

À l’inverse, mal venu signifie « mal développé, chétif, rabougri » :

un veau mal venu
une récolte mal venue

Ces locutions peuvent aussi se dire de choses concrètes bien ou mal produites, réalisées :

une épreuve photographique bien venue
un exemplaire à l’impression mal venue

Elles s’emploient également à propos de productions de l’esprit. En particulier la locution bien venu, alors synonyme de « bien trouvé, bien tourné, réussi, inspiré, joliment formulé » :

Son récit est agrémenté d’observations bien venues.
Elle a résumé la situation avec une formule bien venue.

Dans tous les emplois qui précèdent, ces locutions s’écrivent généralement en deux mots. Dans le cas de mal venu, la variante soudée malvenu est cependant permise, quoique plus rare :

des arbres malvenus

À propos de végétaux qui poussent mal, mentionnons le synonyme rare et apparenté malvenant :

des arbres malvenants

bienvenu, adjectif et nom

Lorsqu’il est question de bon accueil, cet adjectif est de nos jours généralement écrit en un mot.

Il qualifie une personne ou une chose dont l’arrivée est espérée ou accueillie avec plaisir :

Ces visiteurs bienvenus ont été reçus avec faste.
Vous serez toujours bienvenus parmi nous.
Des vacances bienvenues.
Qu’en pensez-vous ? Vos commentaires et suggestions sont bienvenus.

Dans un sens voisin, il signifie aussi « qui tombe bien, qui arrive à point nommé, opportun, à propos » :

Voilà du renfort bienvenu.
Une pluie bienvenue a éteint l’incendie.

Souvent construit avec le déterminant défini, le mot acquiert alors une valeur de nom, désignant une personne ou une chose accueillie avec plaisir :

Vous serez toujours les bienvenus.
Chère consœur, soyez la bienvenue.
Votre aide a été la bienvenue.

De cette section et de la précédente, il découle que, selon le contexte, on veillera à distinguer, par exemple :

une remarque bien venue (= bien tournée, joliment formulée)
une remarque bienvenue (= qui tombe bien, qui est à propos)
un enfant bien venu (= bien développé, robuste)
un enfant bienvenu (= désiré, attendu)

L’un de ces deux derniers sens a peut-être joué dans le choix des prénoms Bienvenu (pour un garçon) et Bienvenue (pour une fille). Ces prénoms, devenus rares, se sont transmis comme noms de famille. Citons Fulgence Bienvenüe (1852-1936), constructeur du métro de Paris, dont une station porte en son honneur le nom Montparnasse-Bienvenüe. (Le tréma sur le u est sans doute une survivance d’une façon déjà ancienne de distinguer la lettre u voyelle de la lettre u consonne, qui s’écrit aujourd’hui v.)

malvenu, adjectif

Antonyme de bienvenu, l’adjectif malvenu (plus rarement en deux mots mal venu) se dit de ce qui vient mal à propos, qui est déplacé :

une intervention malvenue
Cette plaisanterie malvenue n’a fait rire personne.

Ou de ce qui n’a pas lieu d’être, qui n’est pas justifié :

Ces reproches sont malvenus de ta part.

être bienvenu (malvenu) de (à) + verbe à l’infinitif

Être bienvenu de faire quelque chose signifie « être fondé à le faire, avoir la légitimité morale pour le faire » :

Vous n’étiez pas bienvenus de faire ce reproche.

Mais nettement plus fréquente est la locution contraire être malvenu de faire quelque chose :

Tu es malvenue de t’en plaindre.

Ces tournures sont d’un registre plutôt soutenu. Elles s’emploient aussi avec un sujet impersonnel :

Il serait malvenu pour elle de s’en plaindre.

Ces expressions peuvent aussi se construire avec la préposition à, bien que celle-ci soit de nos jours moins fréquente :

Vous n’étiez pas bienvenus à faire ce reproche.
Tu es malvenue à t’en plaindre.

Un autre point de variabilité dans ces emplois est le fait que les mots bienvenu et malvenu peuvent aussi s’y écrire en deux mots :

Vous n’étiez pas bien venus de faire ce reproche.
Tu es mal venue de t’en plaindre.

Si le contexte le permet, on peut utiliser, au lieu de l’adverbe bien, son comparatif de supériorité mieux :

Tu serais mieux venue de te taire.

Dans plusieurs des expressions vues jusqu’ici, il est possible de trouver juxtaposés les adverbes bien et mal :

Tu es bien mal venue de t’en plaindre.

La phrase est grammaticalement correcte, puisque l’adverbe bien signifie ici « très » et modifie mal, mais si l’on veut éviter l’apparent oxymore, on peut opter pour des synonymes :

Tu es très mal venue de t’en plaindre.
Tu es fort mal venue de t’en plaindre.

Ou encore, à l’écrit, préférer la variante soudée, qui facilite l’analyse :

Tu es bien malvenue de t’en plaindre.

bienvenue, nom féminin

La bienvenue (toujours en un mot et au féminin), c’est l’heureuse arrivée que l’on souhaite à quelqu’un ou le bon accueil qu’on lui fait.

Souhaiter la bienvenue à ses invités.
Je vous souhaite la plus chaleureuse des bienvenues.
Prononcer un discours de bienvenue.
Offrir un cadeau de bienvenue.

Quant à la *taxe de bienvenue, qui n’a rien d’un cadeau, ce terme a été examiné dans une précédente chronique.

Ne pas confondre ce nom avec le nom bienvenu vu plus haut, variable en genre. La deuxième phrase ci-dessous, incorrecte, témoigne d’une telle confusion.

Cher confrère, je vous souhaite la bienvenue.
*Cher confrère, soyez la bienvenue.
Cher confrère, soyez le bienvenu.
Chère consœur, soyez la bienvenue.

Le nom féminin bienvenue est souvent utilisé en tête de formules de politesse, accompagné d’un complément désignant la personne à qui l’on s’adresse, introduit par la préposition à :

Bienvenue à nos invités de marque !

Le complément peut aussi désigner le groupe ou le lieu où l’accueil se fait. Il peut être introduit par diverses prépositions :

Bienvenue parmi nous !
Bienvenue dans mon humble demeure !
Bienvenue au Sénégal !
Bienvenue sur mon site perso !
Bienvenue chez les Ch’tis (titre d’un film)

La formule est quelquefois réduite à sa plus simple expression, c’est-à-dire sans aucun complément, ce qui la rapproche d’une interjection :

Bienvenue !

À l’occasion de retrouvailles, on accole parfois au mot le préfixe usuel re- exprimant une répétition :

Rebienvenue parmi nous ! (= bon retour parmi nous)

Cela relève d’un registre plutôt familier, tout comme cette expression figurée :

Bienvenue dans le club ! (ou : au club)

Elle est employée pour faire savoir à son interlocuteur que l’on se trouve dans la même situation (désagréable, le plus souvent) :

Tu as été victime de fraude électronique ? Bienvenue dans le club !

Comme elle est calquée sur l’anglais (welcome to the club), on pourra lui préférer ces tournures usuelles :

À qui le dis-tu !
Ne m’en parle pas !
Tu n’es pas le seul !

Bienvenue en réponse à un remerciement

Un autre anglicisme, courant au Québec, consiste à employer l’interjection Bienvenue ! en réponse à un remerciement :

Merci pour votre aide ! — Bienvenue !

On trouve aussi dans le même sens ces variantes qui semblent l’avoir précédé :

Bienvenu !
Vous êtes bienvenu !
Vous êtes le bienvenu !

Ces expressions sont calquées sur la formule anglaise You are welcome! employée dans le même contexte. Leur emploi demeure généralement déconseillé. Il faut dire que les équivalents français ne manquent pas :

De rien !
Ce n’est rien !
Je vous en prie !
Il n’y a pas de quoi !
C’est la moindre des choses !
À votre service !
À votre disposition !

On voit que plusieurs de ces équivalents, comme ce n’est rien et il n’y a pas de quoi, affectent de minimiser l’effort qu’a couté le service rendu.

bienvenir, verbe

Le vieux verbe bienvenir signifiait « accueillir favorablement, faire bon accueil à ». Aujourd’hui défectif, il n’est plus employé qu’à l’infinitif, dans la locution d’emploi rare et soutenu se faire bienvenir de, c’est-à-dire « se faire bien accueillir de (quelqu’un, un groupe) » :

Il a su se faire bienvenir de ce personnage influent.

Mais il serait peut-être temps de songer à réhabiliter ce verbe, pour concurrencer celui qui commence à proliférer dans les forums Internet, le verbe bienvenuter, de formation discutable, pour ne pas dire mal venue. On serait mieux venu de souhaiter rebienvenue à bienvenir !

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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