Histoires de mots - 2 novembre 2015 - 2 min

Monstresses mythologiques

Dans l’Histoire de mots précédente, on a vu que même un dieu était capable des plans les plus ingénieux pour séduire une femme. Mais le même dieu n’aurait pas levé le petit doigt pour aucune des femmes mythologiques présentées ici : les Gorgones et les Furies. En effet, ces femmes hideuses à la chevelure de serpents rebuteraient le moins difficile des hommes. Elles ont inspiré des mots français qui, comme on peut s’y attendre, ne brillent pas par leur charme. En tout cas, le thème de ce mois-ci aura au moins l’avantage de nous plonger dans l’ambiance lugubre de l’Halloween et du mois des morts…

méduse, gorgone, euryale

Les Gorgones étaient des créatures féminines horribles de la mythologie grecque dont la chevelure était constituée de serpents. Toute personne qui en croisait une était littéralement pétrifiée à leur seule vue. Au nombre de trois, elles comptaient Sthéno, Euryale et, la plus célèbre, Méduse. Les noms propres les désignant sont apparus en français à la Renaissance. Quelques mots français en sont issus, dont plusieurs référant à des êtres vivants. Seul Sthéno n’a pas laissé de descendants.

Méduse a été emprunté au latin classique Medusa, lui-même emprunté au grec Medousa. Ce mot-ci, qui constitue en fait le participe présent féminin du verbe medein ‘protéger’, signifiait à l’origine ‘celle qui protège’, peut-être parce que sa tête, que Persée avait coupée, était censée protéger du mauvais œil et des ennemis. Le nom propre Méduse est à l’origine de deux mots français : méduser (1607) et méduse (1754). Le premier, plus courant sous sa forme adjectivale médusé, fait référence à la pétrification provoquée par le monstre mythologique, tandis que le second assimile les tentacules de la méduse à sa chevelure de serpents.

Le nom gorgone apparait au XVIIIe siècle pour désigner un ordre de coraux, par comparaison de leurs colonies arborescentes avec la chevelure des Gorgones, d’abord sous la forme scientifique Gorgonia (XVIIIe), puis sous les formes francisées gorgonie et gorgone, la dernière étant la seule usuelle de nos jours. Il connait aussi au XIXe siècle des emplois métaphoriques, dont ‘femme méchante’, aujourd’hui inusités.

Le nom commun euryale (XIXe) désigne un genre de plante aquatique ne comprenant qu’une seule espèce (Euryale ferox). Son nom provient probablement du fait que son pédoncule densément hérissé de piquants évoque la chevelure hérissée de serpents des Gorgones. Une de ses appellations anglaises, gorgon plant, établit d’ailleurs la même analogie. Signalons enfin que euryale a aussi désigné autrefois un papillon.

furie, mégère

Chez les Romains, les Furies étaient des divinités féminines hideuses et vengeresses correspondant aux Erinues de la mythologie grecque, appelées aussi chthoniai theai ‘déesses infernales’, ou encore, par euphémisme, Eumenides ‘Bienveillantes’. On les représentait souvent comme des créatures ailées aux yeux injectés de sang et couvertes d’une chevelure de serpents, comme les Gorgones. Le poète romain Virgile en a compté trois : Alecto, Mégère et Tisiphone. Seuls les noms propres Furies et Mégère ont donné naissance à des noms communs en français.

Les noms mégère et furie apparaissent au XVIIe siècle avec le sens actuel de ‘femme méchante’. En ce qui concerne furie, ce sens existait déjà chez son correspondant latin. Les autres sens de furie, ‘fureur’ et ‘violence impétueuse’, apparaissent au cours du même siècle. Ils sont cependant empruntés au nom commun latin furia, de même sens. Mais comme le nom de la divinité est également issu du nom commun furia, ils partagent tous en fin de compte la même origine.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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