Points de langue - 7 janvier 2002 - 3 min

Faut-il accentuer les majuscules et les capitales ?

Pour répondre précisément à la question, il ne serait pas inutile de rappeler la différence entre majuscule et capitale, car la langue courante confond ces deux notions. Il est vrai qu’elles se chevauchent très souvent en pratique.

Les mots s’écrivent le plus souvent avec des lettres dites minuscules. La majuscule, plus haute que la minuscule, est utilisée comme lettre initiale de certains mots pour les démarquer ou les distinguer (premier mot de chaque phrase, nom propre). L’expression majuscule initiale est le plus souvent un pléonasme, car la majuscule est normalement une lettre initiale. Outre la différence de hauteur, la majuscule diffère le plus souvent de la minuscule équivalente par sa forme.

En typographie, les minuscules sont habituellement représentées par une forme dite bas-de-casse et les majuscules par des lettres de forme différente appelées capitales. Pour une taille de caractère donnée, les GRANDES CAPITALES sont plus hautes que les bas-de-casse et les petites capitales ont la hauteur des bas-de-casse. Quand on dit simplement capitale, on sous-entend habituellement « grande capitale ». À noter que, de nos jours, bien des gens ont une écriture manuscrite dont les lettres majuscules, voire minuscules, imitent plus ou moins la capitale des imprimeurs.

Bref, la distinction minuscule/majuscule relève de la langue, de la grammaire, alors que la distinction bas-de-casse/capitale relève de la typographie. Les capitales, grandes comme petites, peuvent représenter des minuscules. Comparons ces trois exemples :

Érythrée
Érythrée
ÉRYTHRÉE

Pour le grammairien, Érythrée est un nom propre et chacune de ses trois formes ci-dessus compte 1 majuscule et 7 minuscules, peu importe l’aspect typographique du mot. Pour le typographe, le premier exemple compte 1 (grande) capitale et 7 bas-de-casse ; le deuxième exemple compte 1 grande capitale et 7 petites capitales. Le troisième exemple compte 8 grandes capitales.

Pour revenir à la question initiale, vous aurez remarqué que dans tous ces exemples, les accents aigus requis sont présents, aussi bien sur les capitales (grandes et petites) que sur les bas-de-casse, peu importe que ces lettres représentent des majuscules ou des minuscules. L’accent fait partie de l’orthographe du mot, car il donne des informations sur sa prononciation ; l’omettre, c’est pratiquement commettre une faute d’orthographe. Sans parler des possibles ambigüités. Considérez cette manchette de journal à propos d’un fait divers survenu à l’asile psychiatrique :

UN INTERNE TUE

Qu’est-ce qu’il faut comprendre ? Un interné tué ? Un interne tué ? Un interné tue ? Un interne tue ?

J’ai pourtant appris à l’école qu’il ne fallait pas accentuer les majuscules.

Plusieurs personnes ont effectivement appris ou entendu dire qu’il ne fallait pas accentuer les majuscules ou les capitales. Il est vrai qu’en écriture manuscrite cursive on accentue rarement les majuscules. Il faut aussi reconnaitre que l’accentuation des capitales est loin d’avoir été pratiquée systématiquement par tous les typographes de toutes les époques. Des contraintes techniques pouvaient rendre la chose difficile, mais les typographes consciencieux ont habituellement accentué les capitales. Leur accentuation était aussi chose malaisée à la machine à écrire, mais les dactylographes ingénieux trouvaient le moyen de le faire.

Aujourd’hui, les systèmes informatiques bien configurés permettent d’utiliser sans problème les capitales accentuées1. Il n’y a donc plus de raison de se priver de cette pratique recommandée par les bons dictionnaires, grammaires et codes typographiques, ainsi que par l’Académie française.

Est-ce vrai aussi pour les sigles et les acronymes ?

Certains font une exception à cette règle d’accentuation systématique des capitales quand ces capitales sont des initiales intégrées dans un sigle (qui se prononce en épelant chacune des lettres, lettres qu’il est alors préférable de séparer par des points) ou dans un acronyme (qui se prononce syllabiquement, comme un mot). Ainsi, au lieu d’écrire O.C.D.É., H.É.C, REÉR et UQÀM, il faudrait préférer les graphies O.C.D.E., H.E.C., REER et UQAM2. C’est entre autres la position de l’Office québécois de la langue française. La raison invoquée est l’autonomie du sigle ou de l’acronyme par rapport aux mots dont il reprend les initiales, notamment en ce qui concerne la prononciation (PEPS est plus fidèle à la prononciation que l’acronyme attendu PÉPS). En fait, l’argument de la prononciation est à double tranchant, car il favoriserait parfois plutôt la conservation de l’accent (ALÉNA est plus fidèle à la prononciation que ALENA), voire l’ajout d’un accent qui n’existe pas sur le mot d’où est tirée l’initiale (CEGEP, lexicalisé en cégep, conformément à la prononciation). Quant à REÉR, si l’on veut se rapprocher de la prononciation la plus courante, il faudrait à la fois ajouter un accent sur le premier E et supprimer celui de deuxième E : RÉER.

Force est de constater que l’usage est hésitant et que les spécialistes ne sont pas unanimes sur cette question. Nous considérons que l’accentuation des majuscules dans les sigles et acronymes est facultative en général, mais qu’une des deux solutions possibles peut être préférable pour certains cas particuliers. Il faut aussi bien sûr tenir compte des usages bien ancrés pour tel ou tel cas.

Conclusion

L’accentuation des capitales est fortement recommandée dans tous les cas, mais elle est facultative pour certains sigles et acronymes qui s’y prêtent mal pour des raisons de prononciation.

Explication des sigles et acronymes cités
O.C.D.É. ou O.C.D.E. Organisation de coopération et de développement économiques
H.É.C. ou H.E.C. Hautes Études commerciales
REÉR ou REER régime enregistré d’épargne-retraite
UQÀM ou UQAM2 Université du Québec à Montréal
PÉPS ou PEPS Pavillon de l’éducation physique et des sports
ALÉNA ou ALENA Accord de libre-échange nord-américain
cégep collège d’enseignement général et professionnel

  1. Mise à jour (2019) : un lecteur nous signale un autre argument plaidant en faveur de l’accentuation systématique : elle permet une meilleure restitution du texte par les systèmes de synthèse vocale, conçus entre autres pour les publics en situation de handicap. 

  2. Depuis la rédaction de cet article, l’UQAM a publié une directive au sujet de l’utilisation de son acronyme. 

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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