Points de langue - 7 janvier 2013 - 5 min

Pour les cinglés des sigles et les accros des acronymes

Les sigles et acronymes posent souvent des difficultés d’écriture. Avant de passer en revue les questions les plus fréquentes, débutons par un rappel terminologique.

Définitions et exemples

On confond souvent les termes sigle et acronyme. Il faut dire que les définitions données par les ouvrages de référence sont elles-mêmes souvent confuses et divergentes. Voici une tentative d’éclaircissement.

Un sigle est la réduction graphique d’un groupe de mots, formée de la suite de leurs initiales (toutes ou certaines d’entre elles) et s’accompagnant d’une réduction à l’oral : selon les cas, la prononciation du sigle est alphabétique (lettres épelées) ou syllabique (lettres prononcées en syllabes, comme un mot ordinaire).

Voici des exemples de sigles à prononciation alphabétique :

produit intérieur brut → P.I.B. [péibé]
interruption volontaire de grossesse → I.V.G. [ivéZé]
organisme génétiquement modifié → O.G.M. [oZéèm]
offre publique d’achat → O.P.A. [opéa]
sans domicile fixe → S.D.F. [èsdéèf]
Comité international olympique → C.I.O. [séio]
Fonds monétaire international → F.M.I. [èfèmi]
Organisation de l’unité africaine → O.U.A. [oya]

Voici des sigles à prononciation syllabique :

objet volant non identifié → ovni [òvni]
syndrome d’immunodéficience acquise → sida [sida]

Ici, la lettre d n’est pas l’initiale d’un mot à proprement parler, mais plutôt d’un des deux éléments constitutifs du composé unifié immunodéficience.

collège d’enseignement général et professionnel → cégep [séZèp]
numéro d’identification personnel → NIP [nip]
frequently asked questions (ou foire aux questions) → FAQ [fak]
Conseil international de la langue française → CILF [silf]
Organisation du traité de l’Atlantique Nord → OTAN [òtâ]
United Nations International Children’s Emergency Fund → UNICEF [ynisèf]

Les sigles de la première catégorie sont parfois appelés sigles épelés et ceux de la deuxième catégorie sigles acronymiques. Ce qui nous amène à la définition suivante.

Un acronyme est un mot prononcé syllabiquement et formé de la suite des éléments initiaux (lettres, groupes de lettres ou syllabes) d’un groupe de mots.

Pour des exemples d’acronymes formés de lettres initiales, il suffit de relire la deuxième liste d’exemples ci-dessus (sigles acronymiques), qui sont donc à la fois des sigles (lettres initiales) et des acronymes (éléments initiaux prononcés syllabiquement).

Les acronymes qui suivent sont quant à eux formés de syllabes ou pseudosyllabes (groupe quelconque de lettres) initiales :

modulator-demodulator (ou modulateur-démodulateur) → modem
bourgeois bohemian (ou bourgeois bohème) → bobo
Ouvroir de littérature potentielle → Oulipo
Belgique Nederland Luxembourg → Benelux

Voici enfin des exemples d’acronymes hybrides, composés à la fois d’initiales et de syllabes initiales :

radio detecting and ranging → radar
pacte civil de solidarité → pacs
société d’investissement à capital variable → sicav
Association française de normalisation → Afnor

On voit que sigle et acronyme ne sont pas deux concepts qui s’excluent ou qui s’emboitent, mais plutôt qui se chevauchent, car ils se définissent selon deux axes distincts (formation graphique et prononciation) qui peuvent se croiser, comme dans la liste d’exemples plus haut où figure l’OTAN.

Bien qu’ils soient souvent rangés parmi les « abréviations » au sens large, les sigles et acronymes ne sont pas des abréviations au sens strict, car ces dernières sont des réductions purement graphiques qui ne s’accompagnent pas d’une réduction à l’oral : par exemple, l’expression c’est-à-dire a pour abréviation c.-⁠à-⁠d., dont la prononciation demeure [sètadir] et ne se réduit donc ni à [séadé] ni à [kad].

Signalons enfin que les sigles et acronymes peuvent à leur tour donner naissance à des mots dérivés :

vélo tout-terrain → V.T.T. → vététiste (« adepte du V.T.T. »)
pacte civil de solidarité → pacs → (se) pacser (« conclure un pacs »)

Règles d’écriture

Dans ce domaine, l’usage est souvent flottant et, là encore, il n’y a pas unanimité dans les ouvrages de référence. Les conventions qui suivent, à défaut d’être des « règles » universellement observées, sont des recommandations qui devraient fournir une réponse aux questions les plus fréquentes.

Espaces

Contrairement aux abréviations, on ne conserve pas les espaces dans les sigles et acronymes. On soude les éléments initiaux constitutifs.

Traits d’union

On ne conserve généralement pas les traits d’union, comme illustré dans l’exemple V.T.T. ci-dessus, ou encore dans ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain), où les deux traits d’union sont omis.

Points abréviatifs

Une tendance lourde de l’usage contemporain est de ne plus utiliser de points abréviatifs dans les sigles et acronymes : PIB, OPA, NIP, OTAN. Il est quand même acceptable, et même préférable, de les employer dans le cas particulier des sigles épelés pour signaler au lecteur leur prononciation alphabétique. Ainsi les graphies P.I.B., O.P.A., C.I.O. et O.U.A. devraient être préférées aux formes PIB, OPA, CIO et OUA, car ces dernières peuvent entrainer les prononciations fautives [pib], [opa], [sio] et [wa]. C’est d’autant plus indiqué dans les contextes tout en capitales, où les majuscules des sigles ne les distinguent plus des mots environnants. Comparer les deux exemples suivants, où la deuxième façon de faire est préférable :

PIB DES PAYS MEMBRES DU CIO, DE L’OTAN ET DE L’OUA.
P.I.B. DES PAYS MEMBRES DU C.I.O., DE L’OTAN ET DE L’O.U.A.

La prononciation d’un sigle peut éventuellement évoluer dans le temps. Dans le cas de l’Organisation des Nations unies, son sigle était parfois épelé [oèny], ce qui pouvait justifier la graphie O.N.U., mais la prononciation syllabique [ony] s’est imposée, commandant la graphie sans points ONU.

Majuscules

Les sigles, qu’ils soient des noms communs (P.I.B., NIP) ou des noms propres (C.I.O., CILF), s’écrivent avec des majuscules, sauf s’il s’agit de sigles acronymiques qui sont lexicalisés, c’est-à-dire bien intégrés dans le lexique au point de figurer dans les dictionnaires usuels et de pouvoir notamment prendre la marque du pluriel (le sida, des ovnis, des cégeps). Cette lexicalisation est un processus graduel et en partie subjectif. Les sigles acronymiques NIP et FAQ, par leur usage répété, sont des candidats plausibles à une future lexicalisation et minusculisation. Quant aux autres acronymes (syllabiques et hybrides), ils s’écrivent en minuscules (un radar, une sicav, un pacs), à moins d’être des noms propres, statut que l’on signale par l’habituelle majuscule initiale (le Benelux, l’Oulipo, l’Afnor).

Pluriel

Les sigles sont invariables (des O.G.M., des NIP), sauf s’il s’agit de sigles acronymiques lexicalisés, définis dans le paragraphe précédent (des ovnis, des cégeps). Les autres acronymes sont variables s’ils appartiennent à des catégories grammaticales variables, comme les noms communs (des modems, des bobos, des radars).

Genre

Le genre des sigles se déduit normalement de l’expression d’origine, où le mot significatif se trouve habituellement, du moins en français, en première position :

interruption volontaire de grossesse → une I.V.G.
syndrome d’immunodéficience acquise → le sida
(homme/femme) sans domicile fixe → un/une S.D.F.
habitation à loyer modéré/modique → une H.L.M.

Le genre masculin, bien qu’il ne soit pas logique, est aussi considéré comme correct en raison de son emploi répandu : un H.L.M.

Quand l’expression d’origine est en langue étrangère, l’on se base habituellement sur le genre qu’aurait en français le mot correspondant au mot significatif :

Central Intelligence Agency → la C.I.A. (agency = agence, féminin)
Federal Bureau of Investigation → le F.B.I. (bureau = bureau, masculin)

Élision

L’article s’élide normalement devant une voyelle graphique : l’I.V.G., l’ovni, l’OTAN, l’Afnor. On ne fait pas d’élision devant une consonne graphique, même si son épellation dans un sigle commence phonétiquement par une voyelle : le F.M.I. [leèfèmi] et non *l’F.M.I. [lèfèmi].

Accents

L’usage est hésitant sur la question de l’accentuation des majuscules figurant dans les sigles et acronymes (ALÉNA ou ALENA ?). Cette question est examinée dans la dernière section de notre Point de langue intitulé Faut-il accentuer les majuscules et les capitales ?

Derniers conseils

En raison de leur concision, les « S.O.A. » (sigles ou acronymes) sont d’une évidente utilité. Il ne faut toutefois pas sacrifier la clarté du texte sur l’autel de l’économie. Il est toujours bon, lors de la première occurrence d’un S.O.A., de l’accompagner de sa forme développée entre parenthèses, ou vice versa :

L’O.U.A. (Organisation de l’unité africaine) a existé de 1963 à 2002.
L’Organisation de l’unité africaine (O.U.A.) a existé de 1963 à 2002.

On résistera à la tentation de la surenchère de majuscules dans la forme développée. Ci-dessous, il y a deux majuscules de trop dans la parenthèse :

*L’O.U.A. (Organisation de l’Unité Africaine) a existé de 1963 à 2002.

Si l’on tient absolument à mettre en évidence dans la forme développée les lettres formant le sigle, le recours au gras est une façon moins ambigüe de « mettre les points sur les i » :

L’O.U.A. (Organisation de l’unité africaine) a existé de 1963 à 2002.

Si l’on rédige un texte où foisonnent les S.O.A., on en dressera une table récapitulative à laquelle pourra se référer le lecteur.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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