Points de langue - 6 mai 2013 - 4 min

Résident et résidant

Y a-t-il une différence d’emploi entre les mots résident et résidant ?

Ce couple lexical est souvent source d’hésitation orthographique ou sémantique. Il faut dire que l’usage a fluctué et n’est toujours pas clairement fixé dans certains emplois. Les ouvrages de référence témoignent de ce flottement en ne s’exprimant pas à l’unisson sur le sujet, même si certains ont tenté de distribuer les rôles entre ces deux graphies en fonction du sens ou bien de la catégorie grammaticale (nom ou adjectif). Cela dit, tentons un petit tour de la question.

résident, nom

Le mot résident, écrit à l’origine sans accent, resident, apparait dans les textes français au xiiie siècle. Il est emprunté au latin residens, participe présent du verbe residere, qui signifie « rester assis, demeurer, séjourner ». Il a d’abord été employé comme synonyme d’habitant.

Cet emploi semble être rare à l’époque classique. Le Dictionnaire de l’Académie française, dont la première édition remonte à 1694, n’a longtemps consigné qu’un seul sens pour le nom résident. Il s’agit du titre d’un représentant diplomatique à l’étranger, de niveau inférieur à l’ambassadeur, mais supérieur à l’agent. On parlait par exemple du résident de France à Venise. On trouve dans un sens similaire la locution ministre résident, où le nom résident est en apposition. La résidente était la femme du résident.

À la fin du xixe siècle, période où triomphait le colonialisme européen, le nom résident désignait un haut fonctionnaire (diplomate ou militaire) placé par une nation auprès du chef d’un État soumis au protectorat de cette nation. Par exemple, il a existé un résident général de France en Tunisie et un résident supérieur de France au Cambodge. D’autres empires coloniaux européens ont été représentés dans leurs protectorats par des fonctionnaires ayant des titres et des fonctions similaires.

Vers la même époque, le nom résident a aussi commencé à désigner toute personne qui réside dans un autre pays que son pays d’origine, emploi toujours courant. On parle par exemple des résidents algériens en France. Au Canada, le terme administratif résident permanent est utilisé pour désigner une personne ayant obtenu le droit de s’installer au Canada en permanence, mais n’ayant pas encore acquis la citoyenneté canadienne.

En économie, le nom résident peut désigner toute personne physique ou morale considérée comme rattachée économiquement à un territoire donné et soumise à ses lois fiscales.

Le nom résident est aussi utilisé en médecine et en pharmacie, où il désigne en particulier un étudiant en cours de formation ou de spécialisation en milieu hospitalier. On trouve aussi ce nom en apposition dans des locutions comme médecin résident. À noter que la situation correspondante est parfois désignée, en Afrique du Nord notamment, par le nom masculin résidanat (sur le modèle d’internat), qui s’écrit avec deux a.

Quant au sens originel d’« habitant », il semble connaitre un certain regain de faveur dans l’usage, car on trouve résident attesté dans ce sens dans des dictionnaires français récents. L’influence de l’anglais resident, courant dans le même sens, n’y est sans doute pas étrangère, notamment au Québec, où le nom habitant a pour léger inconvénient d’être parfois employé péjorativement au sens de « personne rustre » (le mot ayant signifié « paysan, cultivateur »).

On trouve aussi couramment le nom résident au sens de « personne qui habite une résidence ». À ce propos, dans une récente recommandation, l’Académie française donne ces exemples : les résidents d’un foyer, d’une maison de retraite ; les résidents de la Cité universitaire.

Mentionnons que les habitants d’une résidence secondaire sont correctement appelés résidents secondaires. Par exemple, on dira que, dans tel lieu de villégiature, le nombre de résidents secondaires augmente durant la saison estivale. En Belgique, dans ce sens, on emploie les termes seconde résidence et second résident.

résident, adjectif

Dans les expressions déjà mentionnées ministre résident et médecin résident, le mot résident est considéré comme un nom en apposition, et non comme un adjectif.

Au sens courant de « qui réside, qui habite », l’Académie française, dans l’édition 1932-1935 de son Dictionnaire, avait donné résident comme variante graphique possible de résidant, mais, dans sa récente recommandation mentionnée plus haut, elle conseille d’éviter cette graphie pour l’emploi adjectival et, inversement, d’éviter la graphie résidant pour l’emploi nominal.

Cela dit, on retrouve un emploi nettement adjectival de résident en informatique. Dans ce domaine, ce terme signifie « qui demeure en permanence dans la mémoire centrale de l’ordinateur ». On parlera par exemple d’une application résidente ou d’un programme utilisé en mode résident. La graphie résidant se rencontre aussi, mais elle est plus rare.

résidant, nom

Employée comme nom au sens d’« habitant d’un lieu » ou « habitant d’une résidence », la forme résidant, avec un a, est aussi largement utilisée, et certains dictionnaires l’attestent. Elle est parfois critiquée : on a vu que l’Académie française déconseille cet emploi nominal, qu’elle préfère réserver à la graphie résident. L’Office québécois de la langue française, tout en reconnaissant l’existence de la variante résidant, privilégie aussi la graphie résident dans ces sens, du moins dans la langue administrative et juridique.

résidant, adjectif

Pour ce qui est de l’emploi adjectival de la graphie résidant, dans les premières éditions du Dictionnaire de l’Académie, on trouve la définition « qui réside, qui demeure », avec cet exemple : le lieu où il est résidant, où elle était résidante. On pourrait reprocher à l’exemple le fait que, dans cette fonction attribut, le mot pourrait aussi s’analyser comme un nom.

Au xixe siècle, on trouve l’adjectif résidant qualifiant les membres de certaines sociétés savantes ou associations et signifiant « qui demeure à l’endroit où l’association a son siège ». On parle ainsi des membres résidants d’une académie, par opposition aux membres correspondants.

La graphie résidant se rencontre parfois accompagnant certains noms de fonctions, dans le sens « qui réside dans le lieu où ses fonctions sont exercées », par exemple commissaire résidant, mais elle est concurrencée par résident.

L’adjectif résidant est aussi parfois employé au lieu de l’adjectif résident dans son acception informatique : application résidante. La forme résident est toutefois plus fréquente.

résidant, participe présent

Les participes présents des verbes prennent toujours la terminaison -⁠ant et la forme résidant est évidemment correcte lorsqu’elle est employée comme participe présent du verbe résider, signifiant alors « en train de résider ». Ce participe présent, invariable, est habituellement employé avec un adverbe ou un complément de lieu :

Les étudiants résidant ici ont été avisés.
Toutes les personnes résidant dans l’immeuble ont été évacuées.
Voici des statistiques sur les Suisses résidant en France.

Comparez le dernier exemple avec celui qui suit, où le mot résidents est plutôt un nom, qualifié par l’adjectif suisses.

Voici des statistiques sur les résidents suisses en France.

Conclusion

De manière générale, si l’on excepte le cas du participe présent résidant et si l’on considère les sens fréquents, l’on se trompe rarement en utilisant la graphie résident, en particulier comme nom. (Antidote se montre généralement tolérant dans les cas où l’usage demeure flottant.) Il convient aussi de ne pas abuser de ce nom en dehors du langage administratif. Pour désigner une « personne qui habite un lieu », dans les contextes où il risque d’y avoir confusion avec une « personne qui réside dans un autre pays que son pays d’origine », la solution « réside » souvent dans l’emploi d’un synonyme comme habitant.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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