Points de langue - 6 décembre 2010 - 6 min

Adjectifs de périodicité

La fin de l’année est un moment qui se prête aux considérations philosophiques sur les cycles du temps qui passe. D’autres questionnements, moins existentiels mais légitimes, sont reliés au vocabulaire de la périodicité. À défaut d’être périodiques, ces questions linguistiques sont récurrentes. Voici qui devrait répondre aux plus fréquentes.

Adjectifs de base

Le français dispose d’une série d’adjectifs pour exprimer la périodicité, la fréquence d’une chose, par exemple, pour qualifier une chose qui a lieu une fois par mois ou chaque mois (et non *à chaque mois), ou encore tous les mois (et non *à tous les mois).

Rappelons d’abord la série de base :

Périodicité Adjectif
qui a lieu une fois par jour quotidien
qui a lieu une fois par semaine hebdomadaire
qui a lieu une fois par mois mensuel
qui a lieu une fois par année annuel
qui a lieu une fois par siècle séculaire, centennal
qui a lieu une fois par millénaire millennal

Pour l’adjectif quotidien, on dispose de quelques synonymes. En voici quatre :

  • journalier : synonyme courant, en particulier pour parler d’un travail, d’un salaire ;

  • diurne : cet adjectif signifie habituellement « qui a lieu le jour plutôt que la nuit », mais il peut aussi signifier, dans certains contextes, « qui suit un cycle de vingt-quatre heures ». Par exemple, en astronomie, on parle du mouvement diurne de la sphère céleste, mouvement apparent résultant de la rotation de la Terre autour de son axe ;

  • circadien : se dit des cycles biologiques dont la périodicité est voisine de vingt-quatre heures. On parle par exemple du rythme circadien de la température corporelle ou du niveau d’éveil ;

  • nycthéméral : synonyme de circadien, formé des éléments grecs nyct‑ et hémér‑, signifiant respectivement « nuit » et « jour ».

Les adjectifs de longue périodicité centennal et millennal sont surtout utilisés pour parler d’un phénomène naturel dont la probabilité de se produire est d’une fois tous les cent (ou mille) ans, notamment en parlant d’une crue d’amplitude exceptionnelle d’un cours d’eau. Par exemple, une crue centennale est une crue d’amplitude telle qu’elle ne se produit qu’une fois par siècle en moyenne.

On trouve souvent la graphie millénal au lieu de millennal. Cette dernière nous semble toutefois préférable, car elle s’intègre à la série des adjectifs en ‑ennal (voir plus bas la dernière section).

Le mot millénaire existe aussi comme adjectif, mais cet adjectif exprime la durée ou l’âge plutôt que la périodicité.

« Deux fois par… », « trois fois par… »

Voici des adjectifs comportant une idée de division de l’unité de temps (« n fois par unité de temps ») et obtenus par préfixation à partir des précédents. Commençons par les périodes les plus courtes.

Périodicité Adjectif
qui a lieu deux fois par jour biquotidien, semi-quotidien
qui a lieu deux fois par semaine bihebdomadaire, semi-hebdomadaire
qui a lieu deux fois par mois bimensuel, semi-mensuel

À noter que le préfixe latin bi‑ (« deux ») se soude à l’élément qui suit, alors que semi‑ (« à demi ») est suivi d’un trait d’union.

Les adjectifs de cette liste formés avec semi‑ sont moins couramment employés que ceux formés avec le préfixe bi‑. Celui-ci présente toutefois l’inconvénient d’être ambigu et possiblement mal interprété : dans bimensuel, faut-il comprendre « deux fois » ou « deux mois » ? C’est pourquoi Émile Littré, célèbre lexicographe du xixe siècle, recommandait d’employer les formes avec semi‑. Il a été peu suivi en pratique, ce que l’on peut regretter. En particulier, bimensuel est souvent confondu avec bimestriel (voir la section suivante).

Comme synonyme de biquotidien, signalons l’existence en météorologie et en océanographie de l’adjectif semi-diurne. Par exemple, une marée semi-diurne est une marée dont la période est d’environ douze heures, alors qu’une marée diurne suit un cycle d’environ vingt-quatre heures.

Pour les périodicités du type « trois fois par unité de temps », on utilise similairement le préfixe latin tri‑ (« trois ») :

Périodicité Adjectif
qui a lieu trois fois par jour triquotidien
qui a lieu trois fois par semaine trihebdomadaire
qui a lieu trois fois par mois trimensuel

Au-delà de « trois fois », les adjectifs de ce type sont rares.

Si l’on revient à la valeur « deux fois », pour les périodes plus longues, le préfixe bi‑ devient en principe interdit dans ce sens, car il revêt alors plutôt une valeur multiplicative (voir la section suivante). Les formes employées sont celles-ci :

Périodicité Adjectif
qui a lieu deux fois par an semestriel, semi-annuel
qui a lieu deux fois par siècle semi-séculaire, quinquagennal, cinquantennal
qui a lieu deux fois par millénaire semi-millennal

Le mot semestriel n’est pas formé à partir de semi‑, mais à partir du nom semestre, qui signifie « six mois » et dérive des mots latins sex (« six ») et mensis (« mois »). (Voir la section suivante.)

Sur les formes en -⁠ennal, voir la section suivante.

« Tous les deux… », « tous les trois… »

Il existe aussi des adjectifs de périodicité à valeur multiplicative, par exemple pour qualifier une chose qui a lieu tous les deux mois (et non *à tous les deux mois, ni *chaque deux mois, ni *aux deux mois). Voici une série correspondant au sens « tous les deux… » où l’on retrouve le préfixe bi‑, qui revêt ici une valeur autre que dans la section précédente.

Périodicité Adjectif
qui a lieu tous les deux mois bimestriel
qui a lieu tous les deux ans bisannuel, biennal
qui a lieu tous les deux siècles biséculaire, bicentennal
qui a lieu tous les deux millénaires bimillennal

Il n’y a pas d’adjectifs consacrés pour les sens « qui a lieu tous les deux jours » et « qui a lieu toutes les deux semaines » (on a vu à la section précédente que biquotidien et bihebdomadaire sont réservés à d’autres sens). Les adjectifs qui s’en rapprochent le plus sémantiquement sont, respectivement, trihebdomadaire (« qui a lieu trois fois par semaine ») et bimensuel (« qui a lieu deux fois par mois »).

Dans le sens « qui parait toutes les deux semaines », l’adjectif quinzomadaire, relativement récent, est parfois employé dans le milieu de la presse. Son élément quinz‑ fait référence à quinze jours ou quinzaine, expressions signifiant couramment « deux semaines » (même si, à strictement parler, deux semaines équivalent plutôt à quatorze jours). Le mot existe aussi comme nom : un quinzomadaire est une publication qui parait toutes les deux semaines et donc, en principe, jusqu’à vingt-six fois par année, alors qu’un bimensuel est une publication qui parait deux fois par mois et donc, en principe, pas plus de vingt-quatre fois par année. En pratique, cette distinction entre quinzomadaire et bimensuel n’est pas toujours respectée.

L’adjectif bimestriel dérive de bimestre (« deux mois ») et s’emploie pour qualifier une périodicité de deux mois. Les deux mots bimestriel et bimensuel ne sont donc pas synonymes, mais, en raison de leur similitude et de l’ambigüité du préfixe bi‑, ils sont très souvent utilisés à contresens. Les Points de langue que vous lisez sont une chronique bimestrielle, et non bimensuelle !

En latin, mensis est un nom signifiant « mois » alors que son dérivé mestris est un suffixe servant à former des adjectifs. Voici une série de noms et d’adjectifs français dérivés de mestris et affectés d’un préfixe multiplicateur.

Périodicité Adjectif
qui a lieu tous les deux mois ou bimestres bimestriel
qui a lieu tous les trois mois ou trimestres trimestriel
qui a lieu tous les quatre mois ou quadrimestres quadrimestriel
qui a lieu tous les six mois ou semestres semestriel (ou semi-annuel)

Sur semi-annuel, voir la section précédente.

Pour une périodicité de deux ans, on dispose des synonymes bisannuel et biennal. Bisannuel est notamment employé en botanique. Ces mots sont aussi employés comme noms : une bisannuelle est une plante dont le cycle évolutif est de deux ans ; une biennale est une manifestation artistique qui a lieu tous les deux ans. Notons que l’on trouve assez souvent la forme biannuel au lieu de bisannuel. Cette graphie demeure toutefois généralement ignorée des dictionnaires. Les mêmes remarques valent pour les deux adjectifs trisannuel et triennal, qui expriment une périodicité de trois ans.

Pour exprimer une périodicité en multiples d’années, le français dispose de toute une série d’adjectifs formés avec le suffixe ‑ennal, d’origine latine.

Périodicité Adjectif
qui a lieu tous les deux ans biennal (ou bisannuel)
qui a lieu tous les trois ans triennal (ou trisannuel)
qui a lieu tous les quatre ans quadriennal
qui a lieu tous les cinq ans quinquennal
qui a lieu tous les six ans sexennal
qui a lieu tous les sept ans septennal
qui a lieu tous les huit ans octennal
qui a lieu tous les neuf ans novennal
qui a lieu tous les dix ans décennal
qui a lieu tous les onze ans undécennal
qui a lieu tous les douze ans duodécennal
qui a lieu tous les quinze ans quindécennal
qui a lieu tous les vingt ans vicennal
qui a lieu tous les trente ans tricennal
qui a lieu tous les quarante ans quadragennal
qui a lieu tous les cinquante ans quinquagennal, cinquantennal
qui a lieu tous les soixante ans sexagennal
qui a lieu tous les soixante-dix ans septuagennal
qui a lieu tous les quatre-vingts ans octogennal
qui a lieu tous les quatre-vingt-dix ans nonagennal
qui a lieu tous les cent ans centennal (ou séculaire)
qui a lieu tous les mille ans millennal

Notez que ces adjectifs, selon le contexte, peuvent exprimer une valeur de périodicité ou bien une valeur de durée. Par exemple, quinquennal revêt une valeur de périodicité dans l’expression recensement quinquennal (recensement qui a lieu tous les cinq ans), mais une valeur de durée dans l’expression mandat quinquennal (mandat d’une durée de cinq ans, aussi appelé quinquennat).

Signalons au passage l’existence de l’adjectif juridique annal, qui n’exprime pas la périodicité, mais signifie « qui n’est valable que pour un an » ou « qui produit ses effets au bout d’un an ».

En pratique, plusieurs des adjectifs de ce tableau sont rares ou limités à des emplois spécialisés. Par exemple, en astrophysique, le cycle d’activité du Soleil est parfois appelé cycle undécennal, car sa période moyenne est d’environ onze ans.

Pour une périodicité de cinquante ans, l’adjectif quinquagennal est concurrencé par son synonyme cinquantennal, de formation moins orthodoxe, mais plus fréquent.

D’autres combinaisons de préfixes multiplicatifs et d’adjectifs sont possibles. Par exemple, l’on peut dire de notre calendrier grégorien qu’il suit un cycle quadricentennal ou quadriséculaire : la distribution des années de 365 jours et des années bissextiles se fait selon une séquence qui ne se répète exactement que tous les 400 ans, soit quatre siècles. (Rappelons que les trois années 1700, 1800 et 1900 n’étaient pas bissextiles, contrairement aux années 1600 et 2000.) De plus, cette période de 400 ans contient un nombre entier de semaines : pour l’an 2011, vous pourrez donc recycler votre calendrier de 1611.

Dernier exemple : une crue décamillennale est une crue dix fois plus exceptionnelle qu’une crue millennale, car elle n’est susceptible de se produire qu’une fois tous les dix millénaires. Autant dire qu’il faut remonter au déluge du père Noé !

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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